Du tiroir à l’action : Le suivi des recommandations électorales au Tchad

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Depuis des décennies, l’Afrique enchaîne des élections périodiques. Des scrutins se tiennent, des missions d’observation électorale (MOE) se déploient, et des rapports foisonnant de recommandations sont produits… qui finissent, trop souvent, relégués dans des tiroirs poussiéreux. Les erreurs d’hier se reproduisent demain, faute d’un mécanisme structuré pour tirer les leçons du passé.

EISA travaille avec des organisations de la société civile (OSC) au Tchad pour briser ce cercle vicieux. S’appuyant sur son expérience, notamment en République Démocratique du Congo (RDC) lors des élections de 2018, l’organisation a fait du suivi des recommandations des MOE et du plaidoyer pour les réformes électorales un axe central de son action. En 2025, le Tchad est devenu le terrain d’expérimentation d’une initiative innovante susceptible de transformer positivement la manière dont les processus électoraux sont améliorés à travers le continent.

Un cheminement méthodique, inclusif et rigoureux

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Le cheminement a été méthodique. En mai 2025, après les sénatoriales de février, dernières élections de sortie de transition, toutes les grandes missions d’observation domestiques ont été réunies pour la première fois autour d’une même table. Pendant deux jours, elles ont confronté leurs conclusions et harmonisé leurs recommandations. Ce travail collectif a abouti à un catalogue unifié de recommandations, présenté ensuite à la classe politique et aux institutions concernées. Celles-ci ont eu l’occasion rare de discuter, amender et s’approprier le document, réduisant ainsi la distance habituelle entre observateurs et décideurs

En juillet 2025, une étape décisive a été franchie. Pendant quatre jours intenses, les coalitions d’observations électoraux rejoints par les Grands Médiateurs de EISA ont bénéficié d’un accompagnement de haut niveau. Quatre figures majeures de EISA – Dr Raphaël Ouattara, artisan du plaidoyer en RDC, Mathias Hounkpè, Justin Goré, experts reconnus en gouvernance démocratique, et Baidessou Soukolgué, Directeur exécutif de EISA – ont guidé les participants dans l’élaboration d’une stratégie de plaidoyer et d’une feuille de route claire. Cet exercice n’était pas théorique : il s’agissait de donner aux acteurs locaux les outils concrets pour plaider pour la transformation des recommandations en réformes.

À l’issue de l’atelier, Dr Raphaël Ouattara a poursuivi le travail aux côtés des partenaires tchadiens, afin de consolider la stratégie, finaliser la feuille de route et surtout amorcer sa mise en œuvre.

La naissance du CRET : un tournant pour le Tchad

Le 26 septembre 2025 restera une date symbolique. Ce jour-là, dans la discrétion d’une réunion interne, la société civile a franchi une étape décisive avec la création de la Coalition pour les Réformes Électorales et Institutionnelles au Tchad (CRET).

Dotée d’une charte fondatrice, d’un secrétariat tournant de cinq membres et d’une feuille de route validée, la CRET s’impose comme un nouvel acteur incontournable. Elle vient combler un vide longtemps constaté dans le cycle électoral : celui du suivi postélectoral. Là où les recommandations issues des scrutins s’évanouissaient souvent dans l’oubli, la coalition entend désormais les transformer en levier pour un plaidoyer collectif et structuré.

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Avec la naissance de la CRET, la société civile tchadienne se dote pour la première fois d’un cadre pérenne et coordonné pour défendre et accompagner les réformes indispensables à la consolidation démocratique. Ce n’est plus seulement l’ajout d’un rapport sur une étagère, mais l’amorce d’un véritable mouvement de suivi et d’action.

Un modèle pour l’Afrique

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Dans un contexte où le parti au pouvoir, fort de sa majorité parlementaire, a installé une commission spéciale pour piloter des réformes constitutionnelles largement controversées, la naissance de la CRET prend une résonance particulière. Elle offre à la société civile un espace d’expression et d’action collective pour peser dans le débat, défendre la transparence et rappeler que les réformes institutionnelles ne peuvent être crédibles que si elles sont inclusives.

La CRET se positionne ainsi comme un contrepoids citoyen, capable d’accompagner et de surveiller les dynamiques de changement sans se laisser enfermer dans les logiques partisanes. Plus qu’une structure de suivi électoral, elle peut devenir un véritable acteur de vigilance démocratique, portant la voix des citoyens face aux choix qui engagent l’avenir du pays.

Si elle parvient à s’enraciner, cette expérience tchadienne pourrait inspirer au-delà des frontières. Elle montrerait qu’il est possible, même dans un environnement politique tendu, de transformer l’oubli des recommandations en une culture de suivi et de redevabilité. Un signal fort pour l’Afrique et, plus largement, pour tous les contextes où la société civile cherche à inscrire la démocratie dans la durée.

Ce billet de blog a été rendu possible grâce au soutien financier de l’Union européenne au titre de la convention de subvention n° NDICI AFRICA/2022/435-927. Les opinions exprimées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’UE.